Imagine ton quartier a une montagne et tu peux y placer ta chèvre personnelle toute douce ? Les rageux font tout pour empêcher que ça arrive. C’est — à peu près — ce que dit Sarah Vanuxem dans son analyse des biens sectionaux aujourd’hui. Pour toustes celleux qui trouvent ça cool d’appeler son quartier une section, voici mon résumé en deux paragraphes.

Vanuxem Sarah, « Les contrefeux de l’empire : le cas des sectionaux, biens de communautés d’habitants », Montpellier, Victoires éditions, 2016, vol.3.

Une clairière fleurie.

En France, il y a des biens sectionaux : c’est quand un quartier d’une commune possède quelque chose, comme une forêt ou un four à pain par exemple. Ça veut dire que toustes les habitantes du quartier, et seulement iels, ont le droit d’utiliser ce bien. Ils existent bien aujourd’hui, même s’il s’agit en majorité de pâturages dans le Massif Central. On a tendance à les prendre pour une vieille tradition du Moyen-Âge, alors qu’en fait ils ont été créés à la Révolution en prenant ce qui appartenait aux anciens seigneurs. On a cette fausse image parce qu’en général, on associe la modernité et la Révolution avec la propriété privée individuelle, et on se dit que tout le reste est public donc géré par l’administration. Et bah les biens sectionaux, ça marche pas comme ça, parce qu’ils sont partagés, mais censés être gérés directement par les habitantes qui l’utilisent. Du coup, il y a de l’hostilité envers eux: les juges choisissent de déformer légèrement la partie du Code Civil qui en parle, et en 2013 l’Assemblée Nationale a même voté une nouvelle loi pour les faire disparaître petit à petit. La justification donnée est la même que quand on asséchait les marais en masse au 18ème siècle: les biens sectionaux seraient mal entretenus, et pas assez productifs. Pourtant, ça pose question aujourd’hui, vu comment l’environnement va mal.

Beaucoup de gens ont remis en question ces derniers temps l’idée que partager des ressources, ce serait forcément improductif et inefficace. Selon l’économiste Elinor Ostrom, les ‘communs’, ça peut marcher bien et longtemps s’ils remplissent sept conditions. Les biens sectionaux cochent toutes les cases, sauf deux : ne pas être attaquée par d’autres institutions, et avoir des moyens locaux de régler les conflits internes qui apparaissent. Ce n’est pas insurmontable, alors au lieu de vouloir supprimer les biens sectionaux, pourquoi ne pas essayer de réparer leurs problèmes ? ou bien ne pas s’en inspirer pour créer quelque chose de nouveau ? Peut-être que partager au niveau du quartier, ça peut être une manière plus adaptée de gérer certaines choses, comme les pâturages en montagne par exemple: ça permet que plusieurs personnes se coordonnent pour utiliser quelque chose en même temps. En plus, comme les biens sectionaux sont gouvernés par beaucoup de gens ensemble, ça peut pousser à préserver l’environnement dans l’intérêt de toustes. Cette idée de la gestion par les utilisateurrices ne semble pas avoir la cote aujourd’hui. Les réformes détournent les biens sectionaux forestiers pour qu’ils soient gérés par la mairie, et oblige que les biens sectionaux cultivés soient attribués aux fermes professionnelles conformément à la politique agricole générale, comme n’importe quels autres champs. C’est dommage, car c’est quand les habitantes d’un endroit font leurs propres règles qu’iels peuvent le mieux prendre soin du pays, et pour longtemps.